11/21/12

Le Drapeau

« Terrible morceau de drap cloué à ta hampe, je te hais férocement ; oui, je te hais dans l’âme ; je te hais pour toute la misère que tu représentes, pour le sang frais, le sang humain aux odeurs âpres après, qui gicle sous tes plis ; je te hais au nom des squelettes.
Ils étaient quinze cent mill…
Je te hais pour tous ceux qui te saluent ; je te hais à cause des peigne-culs, des coyons et des putains, qui traînent dans la boue leur chapeau devant ton ombre ; je hais en toi toute la vielle oppression séculaire, le dieu bestial, le défi aux hommes que nous ne savons pas être ; je hais tes sales couleurs, le rouge de leur sang, le bleu que tu volas au ciel, le blanc livide de tes remords…
Laisse-moi, ignoble symbole, pleurer tout seul, pleurer à grands coups, les quinze cent mille jeunes hommes qui sont morts et n’oublie pas, malgré tes généraux, ton fer doré, et tes victoires, que tu es pour moi de la race vile des torche-culs. »

J.Z.
6 mars 1924