01/14/12

Toulouse

Je me promène dans les rues toulousaines et constate désormais qu’elles ne représentent plus rien de vivant. Ma ville est devenue une ville-tombeau car une ville désormais plus pleine de souvenirs que de promesses. J’ai beau découvrir des choses nouvelles, des panneaux commémoratifs rajoutés au fil des élections parce qu’il est toujours bon de se souvenir qu’untel a été fusillé par-ci, ou de nouveaux magasins quand d’autres disparaissent, toujours avec douleur, surtout lorsqu’ils étaient installés sur la place du Capitole depuis bien des années, j’ai l’impression de tout connaître par coeur. Je passe dans les rues parallèles à la rue du Taur et compte les appartements que j’ai pu visiter ou cotoyer au fil des années : ici j’ai dansé jusqu’à 5 heures du matin, là j’ai bu à en prendre la raison, là-bas j’ai survécu à la fête de la musique en riant à m’en casser la voix. Un peu plus loin, j’y ai souvent bu du thé noir en parlant de tout et de rien. J’ai révisé mon premier concours dans ces bibliothèques et j’ai fui celle où j’avais passé trop de temps, malgré son plafond baroque et sa clarté confuse.
Rue du Taur
J’ai fait les trois-quart des cafés de la place Saint-Sernin, ai mangé un nombre incalculable de cookies de la boulangerie du coin. J’ai zoné dans la basilique sans savoir pourquoi et ai longtemps refusé de rentrer dans la crypte avant de m’y résoudre, condamnant le seul inconnu du lieu à s’ouvrir à moi. J’ai laissé quelques cierges, toujours sans savoir pourquoi, et ai longtemps admiré les croix gravées dans le mur par les pélerins de Saint-Jacques-de-Compostelle. J’ai goûté aux thés glacés de la terrasse du musée Saint-Raymond, j’ai traversé les rues étroites, ai imprimé la forme des volets verts et bleus qui s’ouvrent et se ferment tous les jours sur la brique rose. J’ai couru le long de la Garonne, pédalé sur les berges, admiré la trop célèbre vue de l’Hôtel-Dieu pendant un coucher de soleil, tandis que le pont Neuf s’éclaire.
Ce goût de déjà-vu, quand bien même tout se réinvente, me fait penser que je suis peut-être enfin arrivée à m’installer durablement dans une ville et que du coup, il faudrait songer à s’en aller pour mieux revenir et pouvoir dire sans lassitude, en levant les yeux devant ces volets toujours identiques « Vous êtes toujours là » et rajouter : « je suis enfin chez moi ».