Nitroglycérine perverse

Tu penses aux autres en te regardant le nombril et tu parles tellement qu’on en respire mal. Tu es bleue dans la tête, parce que cela fait bien, surtout sur ta page bleue, rouge dans le coeur parce que c’est plus correct et noir dans les jambes parce qu’il faut bien courir. Tu parles de religion parce que tu penses cela important, mais finalement la pensée religieuse, tu n’en vois que les flèches qui indiquent la pensée d’autrui sur Twitter. Autrui est un autre je. Autrui est je.

Tu parles politique aussi parce que tu es engagée. L’engagement c’est d’ailleurs la base de ton existence, sauf dans tes relations amoureuses, amicales, professionnelles, sexuelles, musicales. Trahir, c’est finalement toujours s’engager.

Tu écris un peu, chante parfois, souffle dans ton pipeau pour faire croire que tu as tout vu, tout traversé, tout entendu. Ta sagesse hypocrite te conforte dans ta solitude. Celle que tu ne vois pas. Ne sens pas. N’entends pas. Comme la rumeur qui s’étale grassement avec le vent et l’odeur acre de tes mensonges. Tu es belle et tu le sais. Mais pas belle comme tu le penses, belle comme la mer qui s’apaise après une tempête mais qui charrie avec elle les sacs plastiques dégueulasses laissés sur la plage le dimanche. Belle comme un oubli volontaire. Belle comme leur déchirure.

Tu manges fort, tu parles encore trop, tu te regardes dans le miroir et tu vois une personne fiable, dynamique, courageuse. Tartufe polymorphe, nitroglycérine perverse, tu contemples l’explosion de ton image en multiples fragments numériques, comme autant de nouveaux reflets dans lesquels admirer l’effroyable hydre de Lerne qui naît du haut de tes cheveux bouclés.

 

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