01/13/17

Quatrième mur

L’acteur est nu sur la scène. Devant plus de 600 personnes qui n’arrivent pas à détacher leur regard, dans le silence pesant d’un théâtre plusieurs fois centenaire, il est recouvert d’une épaisse cendre. Son visage porte le secret d’une âme qui s’est abandonnée pendant plus de deux heures et pourtant, dans un instant, elle va réapparaître – une seconde de silence, comme pour mieux comprendre, se rappeler, casser le quatrième mur et revenir à la vie. Reprendre son souffle pour vérifier que ce qui vient de se passer n’était pas réel, n’était qu’illusion, n’était pas la vie mais une interprétation de la vie.

Puis il y a ce geste, ce technicien qui vient apporter à l’homme nu un peignoir à nouer le long de son corps, comme si ce dernier était devenu au même instant honteux. Couvrez cette vérité que je ne saurais voir. Cette seconde précise où le comédien passe du rôle à la réalité, de l’expression artistique à l’obscénité d’une nudité publique me fascine.

Ce tissu noir descendu comme un rideau tombe sur la scène comporte en lui un degré de poésie que l’on tend à oublier. Une vulnérabilité qui pousse le comédien à son plus haut degré d’humanité. Alors seulement peut-il saluer.

 

09/12/16

La quête

Telle est ma quête,
Suivre l’étoile
Peu m’importent mes chances
Peu m’importe le temps
Ou ma désespérance
Et puis lutter toujours
Sans questions ni repos
Se damner
Pour l’or d’un mot d’amour

Jacques Brel

09/8/16

En sortant du train

18 heures, l’heure fatidique pour faire un Lyon-Paris. En semaine, le passager moyen est un homme encravaté de 40 ans, un HP ou un Lenovo avant-dernière génération sur la tablette trop basse du siège de seconde classe, une montre un peu trop visible pour être sincère et cette sale manie d’étaler ses jambes comme s’il était seul au monde. Ça donne l’air d’être important, le voyage professionnel. Le costume noir permet de rentrer dans le rôle et la chemise blanche ou bleue claire finit de convaincre qu’on parle de choses sérieuses ici, qu’on n’est pas là pour le plaisir, qu’on est important et que des gens encore plus importants comptent sur nous.

Pourtant, 2 heures plus tard, l’homme a baissé la garde. Il s’est effondré de fatigue sur son clavier, il a dormi la bouche ouverte, les yeux plus fermés que son dernier, les jambes courbaturées d’avoir été pliées dans un espace beaucoup trop petit. Le costume-cravate est devenu aussi ridicule qu’un déguisement d’Arlequin et a laissé place à l’être fatigué, sensible, affaibli.

Il n’y a rien de plus beau qu’un homme en costume qui baisse la garde.

09/6/16

Chambre 203

Même clé, même porte, même drap. D’autres ont également dormi dans ce lit – combien ? Rien n’a bougé, du bonbon de bienvenue à la télé débranchée. Les rideaux sont toujours aussi opaques et poussiéreux, la bouilloire mal vidée et les thés toujours du même goût. Les oreillers sont posés sur le lit, faussement négligés, mi-bienvenue, mi-je-m-en-moque puisqu’après tout, un autre passera.

Ma valise à beau être toujours la même, toujours posée au même endroit, elle commence à changer de couleurs. L’expérience et la crasse.

J’ai marché 40 minutes dans le bosquet mais tout paraît déjà loin. La lumière fade de la fin de journée prépare les changements à venir. Ils sont prêts et je les attends. La chambre 203 ne sera bientôt plus ma chambre, ne resteront que les fantômes des jours passés.